En Mayenne, l’enseignement privé sous-contrat cultive l’entre-soi.
La Mayenne est historiquement une terre où l’enseignement privé et principalement confessionnel catholique est fort. Il représente actuellement 40% des élèves scolarisés tous niveaux confondus et son maillage couvre l’ensemble du territoire. Si, à une époque, seule la conviction religieuse des parents pouvaient motiver le choix entre école publique et école privée, comme c’est encore le cas à Gorron même si l’écart est en faveur de l’établissement privé. Aujourd’hui, nous allons le voir dans cet article, le choix d’un établissement privé apparaît clairement comme un choix de non mixité sociale et de ségrégation.
L’Indice de Position Sociale (IPS) est un indicateur développé par l’Education Nationale pour mesurer les facteurs qui contribuent à la réussite des élèves. C’est par un jugement du tribunal administratif de Paris que l’Etat a été contraint de publier l’IPS des établissements à partir de 2022. Calculé pour chaque élève, l’IPS est compris entre 45 pour les élèves les plus défavorisé.es à 185 pour les élèves les plus favorisé.es. L’IPS d’un établissement est quant à lui la moyenne de l’IPS de l’ensemble des élèves inscrits dans l’établissement. Il est compris entre 59 et 162,5 pour la France métropolitaine pour l’année scolaire 2024-2025. L’écart type sur l’IPS mesure l’hétérogénéité sociale d’un établissement. Plus il est élevé, plus la mixité sociale est forte au sein de l’établissement, il est compris entre 14,1 et 47 en France métropolitaine pour l’année scolaire 2024-2025. L’IPS est un indicateur qui démontre que l’enseignement privé ne joue pas le jeu de la mixité scolaire et même qu’il renforce la ségrégation, en France, comme en Mayenne.
Avec un IPS de 102.5 en collège et 115,5 en lycée, pour l’année scolaire 2024-2025, la Mayenne se situe loin de l’IPS académique (115,3 – 123,8) et au quatrième rang dans l’académie juste avant la Sarthe (102,1) pour les collèges et au dernier rang pour les Lycées d’enseignement Général et Technologique (LGT). Cependant, les élèves de la Mayenne ont un taux d’admission aux DNB et aux Baccalauréats Généraux et Technologiques parmi les deux meilleurs de l’académie (en concurrence avec la Vendée).
Graphique 1 : Positionnement des établissements du secondaire Mayennais en fonction de l’IPS
et de son Écart Type (source DEPP – année scolaire 2024-2025)
Ce que nous montre le positionnement des établissements secondaires en Mayenne, est d’une part que les établissements privés sont situés dans les plus hauts IPS du département et que seul un collège public dépasse la moyenne départementale et aucun lycée. D’autre part, la mixité sociale est plus faible dans le privé que dans le public. Donc, avec un IPS plus haut et une mixité plus basse, les établissements privés en Mayenne participent à un entre soi qui se traduit par de l’évitement scolaire notamment sur le seul collège REP+ du département, le collège Alain Gerbault dont l’IPS est 31 points inférieur à celui du Collège JB de la Salle alors qu’ils sont mitoyens ou encore en centre ville de Laval entre le collège Fernand Puech et le collège de l’Immaculée Conception séparés par la rue Crossardière et, 15 points d’IPS.
En dépit des excellents résultats au DNB série générale, le passage au lycée s’opère en Mayenne avec un grand tri social dans le public (+13,2 d’IPS par rapport au collège), qui est accentué dans le privé (+14,1). Cela traduit un manque d’ambition scolaire de nombreux.ses élèves qui, bien que réussissant au collège, s’orientent vers des formations professionnelles plutôt que vers la poursuite d’études. Ce manque d’ambition est la conséquence de la faiblesse de l’offre d’enseignement supérieur public qui empêche les élèves de se projeter dans des études longues, et des difficultés de mobilité des élèves dont une part préfère s’inscrire dans un établissement de proximité quitte à choisir une orientation par défaut.
La ségrégation sociale s’accroît dans les lycées de l’enseignement privé dont tous, sauf un, ont un IPS supérieur à la moyenne départementale contre aucun lycée public et, dont tous, ont un écart type inférieur aux établissements publics donc une plus faible mixité sociale.
Pour favoriser la mixité sociale au sein des établissement, encore plus légitimement à l’heure où, partout en France, y compris en Mayenne1, l’enseignement privé catholique est attaqué par des plaintes pour violences sexuelles, le SNES-FSU 53 revendique que l’argent public soit destiné exclusivement à l’enseignement public, et non détourné vers des établissements déjà sociologiquement favorisés, afin que l’enseignement public puisse accueillir tous et toutes dans de bonnes conditions pour favoriser la réussite des élèves dans une orientation choisie. Il revendique l’unification du système éducatif dans un service public laïc intégrant l’actuel enseignement privé sous contrat. Alors que les élèves Mayennais.es manquent d’ambition scolaire, le SNES-FSU 53 s’oppose à l’accentuation du tri social par les mesures du “choc des savoirs” qui, sous couvert de donner plus à ceux qui ont moins, intensifie le tri social des élèves au détriment de ceux et celles qui ont déjà le moins de chances de réussite scolaire, c’est à dire l’IPS le plus faible.